Crise de l'immigration en Europe

Les Dibrani, apatrides d'Europe

L'histoire de Leonarda Dibrani montre l'incapacité de l'union Européenne à assumer la libre circulation des personnes pauvres

Traduction ( extraits) d'un article d'EL PAIS. Je vous en ai traduit quelques extraits. Publié également sur MEDIAPART


http://blogs.mediapart.fr/blog/philippeginet/221013/laffaire-leonarda-vue-despagne
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Los Dibrani, apátridas de Europ La saga de Leonarda Dibrani muestra la incapacidad de la UE para asumir la libre circulación de las personas pobres




MIGUEL MORA Mitrovica 18 OCT 2013 - 18:48



L'arrestation de Dibrani Leonarda digne des années

30, une élève francophone et Rom âgée de 15 ans,

née et élevée en Italie, mais d'origine

kosovare,tandis qu'elle se trouvait en pleine

excursion scolaire, et sa déportation immédiate et

celle de sa famille ( ses parents et cinq de ses

sept frères, âgés entre 17 mois et 17 ans ), ont

créé une énorme tempête politique à Paris. 2,500 km

à l'est, au Kosovo, l'affaire ne soulève qu'un

intérêt marginal. La famille Dibrani s'est

installée à Mitrovica, la ville divisée en deux

depuis 1999, lorsque l'OTAN a bombardé le Kosovo ,

ancienne province serbe qui a proclamé son

indépendance en 2008.




Au nord de la ville, moche et sans âme , ce sont

les Serbes, qui représentent aujourd'hui 10% de la

communauté kosovar au sud , les Albanais et

quelques milliers - on ne sait combien - de Roms ,

Ashkali et Egyptiens (...) , les trois ethnies

gitanes historiques au Kosovo.




Mais personne ne semble montrer le moindre intérêt

pour cette famille dont le fondateur parti du

Kosovo il ya 38 ans , s'exprime aujourd'hui en

romani , en français et en italien , arrivé

récemment d'un coin reculé de la France se nommant

Pontarlier.

Le logement qui abrite les Dibrani, mis à

disposition par le ministère de l'Intérieur du

Kosovo, qui prétend exercer une discrimination

positive des Roms, est une maison de deux étages

branlante, mais digne, donnant derrière sur un

petit jardin que les nouveaux arrivants partagent

avec d'autres kosovars -non roms- expulsés de

l'Union européenne.




Depuis 2011, l'Allemagne et la France estiment que

la République du Kosovo n'est pas seulement un Etat

légitime mais un "Etat sûr" , et cette décision

politique a permis de renvoyer au pays des milliers

de membres - Roms ou non Roms- de la diaspora

kosovare, formée par environ deux millions de

personnes , un chiffre qui selon le recencement

officiel est équivalent à la population vivant dans

le pays.




Les Dibrani sont devenus célèbres en Europe et leur

maison ne désemplit pas de visites non-stop et

d'enfants de tous les âges possibles. Presque tous

ceux qui se présentent sont français (...) La

présence Kosovare est limitée à un policier et un

fonctionnaire envoyés par le ministre de

l'Intérieur pour gérer les papiers Dibrani et les

aider à réguler le trafic intense des photographes,

des caméras et des stylos qui cherchent un

entretien final avec Leonarda .




La jeune fille , charmante, drôle et fronçant les

sourcils comme son père , sourit sans cesse et

tergiverse comme une adolescente : «Je suis une

star », dit-elle, " mais je veux retourner à

l'école avec mes amis , mes professeurs et mon

fiancé " .




Son père, Resat Dibrani reçoit l'envoyé de EL PAIS

avec sa femme , Djemilah , à huit heures moins le

quart du matin, quand les Français et les vampires

dorment encore.C'est un homme grassouillet avec un

large visage, au regard direct, les yeux gris

directement. Elle est mate de peau et les cheveux

noirs, s'habille en noir,les sourcils très épilés

et semble sicilienne ou andalouse.




La première surprise est de voir que les Dibrani se

parlent les uns aux autres dans un italien parfait

et sont bien entourés.La seconde est de savoir que

Mme Djemilah n'est pas née dans les Balkans, mais à

Caltanissetta (Sicile) , et la troisième, qu'ils ne

sont pas mariés - «nous cohabitons», disent-ils -

et qu'ils formèrent un couple (...) dans dans un

campement romaní de Secondigliano, le quartier dit

de la camorra, par antonomase, de Naples.




La grande ironie de cette histoire, symptomatique

de l'absurdité qui depuis des décennies ou des

siècles perdure en Europe avec la communauté Rom

c'est que la plupart des membres de cette famille à

laquelle les médias portent leur attention ne sont

pas nés et n'ont jamais vécu au Kosovo.




.../...




L'exode de la famille a commencé en 1986, raconte

Resat . «Je suis né le 2 Septembre 1967 à

Mitrovica. Puis il ya eu des dizaines de milliers

de Roms à Mahala , une ville-campement qui était

tout près d'ici . Mais mon père était un ivrogne et

coureur de jupons, il est parti de chez lui et a eu

une enfance difficile . Je suis allée vivre avec ma

grand-mère...se souvient M. Dibrani , qui comme

adolescent était un marchand de chaussures et de

bijoux de fantaisie et avait le bagout d'un

marchand de tapis.




«Quand ma grand-mère est morte, j'avais neuf ans et

je suis allé avec ma tante. Làj'ai rencontré

Djemillah en 1989. Elle avait 13 ans et ne me

plaisait pas, elle était trop effrontée , elle

portait des décolletés plongeants ... Sa sœur était

plus jolie , mais elle était plus petite et timide

... Quand j'ai atteint l'âge de faire l'armée , je

fus un an chauffeur des officiers. A la fin , je

suis retourné à Mitrovica , mais comme mon frère

aîné était allé à Naples, et je l'avais pas vu

depuis 20 ans , j'ai décidé d'aller en Italie . "




"Je jure sur mon père mort », dit la mère, " nous

n'avons jamais demandé l'aumône, ni (...) rien

d'horrible. Nous sommes des gens normaux "

Les parents de Djemilah étaient des Roms d'origine

croate , et aussi allèrent en Italie pour

travailler en tant que commerçants de fer en 1969.

« Ils ont travaillé à Palerme , Messine, dans de

nombreux endroits . Je suis née en Sicile parce

qu'ils vivaient là depuis longtemps . Mais ensuite,

nous sommes partis pour Naples, nous sommes

retournés à la Croatie , nous sommes allés en

Espagne " , dit-elle.




" Nous étions jeunes et avons vécu de nombreuses

années comme nomades sans frontières ", poursuit le

mari, « où nous avions entendu que nous pouvions

vivre en paix , nous allions là-bas . J'ai vendu

des roses à Séville, des mouchoirs en Belgique, du

tabac à priser en Allemagne, jusqu'à ce que nous

nous installions à Fano , le conseil municipal nous

a beaucoup aidé et j'ai pu démarrer une entreprise

de collecte de vieux meubles et de nettoyage de

jardins " .




"Je jure sur mon père mort », dit Djemilah , «nous

n'avons jamais faitl'aumône, ni n'avons vendu une

fille, ou quoi que ce soit d'horrible. Nous sommes

des gens normaux, croyants, familiers. Resat lui

fut mis en prison une fois par erreur à Naples, et

quand il est sorti, il a reçu un chèque et c'est

tout. "




UNE SAGA EXEMPLAIRE




La saga de ces apatrides est exemplaire, en plus de

leur optimisme vital et de leur allergie aux

patries et aux documents - vestige peut-être d'un

ADN soupçonneux avec les recensements, qui étaient

le prélude des pogroms...




Leur histoire, faite de voyages, liberté, aventures

et fuites , produit à la fois l'envie et le vertige

, et est à la fois l'incarnation et le revers du

rêve européen : des gens qui parlent trois ou

quatre langues , et qui sautent de pays à pays

comme on change d'air .




Mais en même temps, c'est le signe de l'incapacité

de l'UE à assumer la libre circulation des pauvres,

et son mépris pour l'octroi de droits fondamentaux

et le respect de leur seule minorité ethnique, qui

a été d'ailleurs en partie exterminée pendant la

Shoah : 800.000 Roms sont morts dans les

Porraijmos ( la dévoration, en rom ) .




Peut-être l'histoire de Leonarda servira pour que

les politiciens et les citoyens qui considèrent les

roms coupables en temps de crise qui n'ont rien à

voir avec celà, comprennent que ces gens sont

devenus nomades par nécessité, et sont allés dans

des lieux où la haine se change en coup de main ,

où leurs enfants se sont scolarisés et ont compris

que seule une bonne éducation peut préserver leur

sens radical de la liberté légué par leurs

ancêtres.




INTEGRATION A LONG TERME EN ESPAGNE




Si les dix millions de Roms européens sont le

produit d'une diaspora très ancienne et de

l'histoire que les dictateurs leur ont écrit à coup

d' expulsions, des Rois Catholiques à Hitler et

Franco, au cours des 40 dernières années, leur

survie a dépendu des décisions des dirigeants

démocrates européens. Et leur niveau de vie s'est

nettement amélioré dans les endroits où les

politiques sont devenus intégration à long terme ,

comme l'Espagne . «Nous avons de la famille

partout. Mais nous voulions rester en Italie ,

presque tous y sont nés et nous avions une belle

maison avec jardin près de la mer », dit la mère.




«Tout allait bien jusqu'à ce que Silvio Berlusconi

a dit qu'il devait reconduire tous les Tsiganes du

pays », dit le père . C'était avant et après les

élections de 2008. Le gouvernement italien n'a pas

hésité à faire un recensement, les empreintes

digitales, a toléré les ratonnades motorisées et

des attaques incendiaires dans les camps, a déporté

massivement les Roms. La fuite des Dibrani d'Italie

en France a coïncidé , en Janvier 2009, avec le

point culminant de cette offensive. «Nous sommes

partis deux jours avant d'expulsés . L'avocat m'a

dit qu'ils allaient nous envoyer en Croatie , alors

nous avons pris le van et nous sommes partis par

San Remo jusqu'à Orléans " .

Philippe Ginet (Traduction et illustration) 22 octobre 2013




Les terminologies désignant Roms, Tziganes, gypsy étant variées d'un pays à un autre, par commodité j'ai choisi la désignation Rom

(WIKIPEDIA, extrait)

Rom (ou Rrom2) est un terme qui a été adopté par l'Union romani internationale (IRU) pour désigner un ensemble de populations, ayant en commun une origine indienne3, dont les langues initiales sont originaires du nord-ouest du sous-continent indien4 et constituant des minorités connues sous de nombreux exonymesvivant entre l'Inde et l'Atlantique ainsi que sur le continentaméricain. Rom est un endonyme signifiant « homme accompli et marié au sein de la communauté5 ».

Présentes en Europe dès le xie siècle6, ces populations y forment au xxie siècle la minorité « la plus importante en termes numériques »7.




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